L’avis de Midi Moins Une ! sur le PAD Midi
Vous trouverez ici les remarques du collectif de riverain·e·s Midi Moins Une ! concernant le PAD Midi dans le cadre de l’enquête publique.
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1. Généralités
1.1 Philosophie générale du plan
Le PAD Midi a manifestement été réalisé dans le but de valoriser au mieux le foncier des gros acteurs immobiliers privés ou semi-publics présents dans le périmètre. Il reprend d’ailleurs globalement les projets immobiliers connus de ces derniers. Le PAD Midi opère donc une confusion manifeste entre intérêt général et intérêts immobiliers particuliers des gros propriétaires fonciers, fussent-ils semi-publics. La SNCB ou Infrabel peuvent très bien conserver leur présence historique dans le quartier sans qu’il y ait nécessité d’y construire de nouveaux immeubles plus hauts, d’autant que la tendance va vers une diminution des surfaces de bureau nécessaires à la bonne marche des entreprises et administrations.
La décision de la SNCB de regrouper ses bureaux av. Fonsny répond plus particulièrement à une volonté d’optimisation immobilière qu’à une nécessité absolue liée à l’organisation du travail : HR Rail ou le centre de formation pourraient très bien occuper des immeubles différents que ceux abritant les bureaux administratifs de la SNCB. Aujourd’hui, les outils numériques et la téléphonie rendent caduque une organisation du travail nécessitant la présence conjointe dans un même lieu de tous les travailleurs d’une entreprise de cette nature et de cette taille. À cette égard, la période de télétravail imposée par la pandémie de Covid-19 a montré que la SNCB a pu travailler avec la quasi-totalité de ses travailleurs administratifs en télétravail complet pendant plus d’un an et demi.
L’opération de densification générale du périmètre du le PAD Midi – qui passerait d’un rapport P/S net de 2,70 à 3,67 – prend prétexte que d’autres quartiers de gares en Europe supportent des densités similaires à celles prévues par le PAD Midi. Le Rapport sur les Incidences Environnementales (RIE, p.77 et suivantes) compare plusieurs situations à l’étranger pour conclure que les densités prévue par le PAD Midi seront comparables à celles de ces quartiers de gares. Le RIE indique toutefois que « (…) la plupart des exemples étudiés sont en général associés à des espaces ouverts de qualité (des parcs urbains, des boulevards végétalisés, etc.), ce qui réduit l’impact de ce type de tissus urbains plutôt denses et avec des gabarits élevés. La présence d’espaces ouverts de ces caractéristiques à l’intérieur du PAD en situation existante est moins importante que dans les exemples analysés. » (p.86). À cet égard, on peut ajouter que la capacité de desserte des transports publics et/ou la capacité des voiries (largeurs) de ces exemples est sans commune mesure avec ce qui est présent autour de la gare du Midi :
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à Londres – Saint Pancras, seule la Euston Road possède un gabarit large mais la gare est desservie par 6 lignes de métro (Underground) et de nombreuses lignes de trains de banlieues,
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à Rotterdam Centraal passent 2 lignes de métro mais la gare est irriguée par un vaste réseau de larges voiries (Weena, Statenweg, Schiekade, complexe Westersingel/Mauritsweg, Pompenburg…),
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à Francfort, 9 lignes de S-Bahn (RER), 2 lignes de U-Bahn (métro) et plusieurs voiries à grands gabarits entourent ou traversent le périmètre (Hafenstrasse, Mainzer Landstrasse, Bassler/Dusseldorfstrasse),
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à Lyon Part-Dieu, seule 1 ligne de métro, complétée par de nombreux trams et bus, desservent la gare. Toutefois son périmètre est cerné ou traversé de nombreuses voiries à grand gabarit (rue de la Villette, boulevard Marius Vivier Merle, rue Garibaldi, rue de Bonnel, Cour Lafayette, rue Paul Bert…).
Si la densité prévue par le PAD Midi rejoint les valeurs de rapport P/S de ces quartiers de gares, il apparaît assez clairement que les conditions pour faire fonctionner cette densité en termes d’espaces ouverts associés et de desserte en transports divers ne sont pas aussi remplies autour de la gare du Midi.
1.2 Manque d’actualisation et incohérence des données du Rapport d’Incidences Environnementales
Les plans présentés dans le Rapport d’Incidences Environnementales (RIE) – en particulier les p.27 et 59 du Résumé non-technique (RIE-RNT), et les p.26 et 458 du RIE – ne correspondent pas aux plans du volet stratégique (p.70-71) et du volet informatif (p.24-25). Il en est de même pour certaines informations chiffrées comme les surfaces prévues (p.30 du RIE-RNT, et p.68 du volet stratégique). Ceci créer des distorsions dans l’ensemble de l’étude des incidences qui, en conséquence, n’est pas valide pour le PAD présenté à l’enquête publique. Le RIE ne semble pas avoir été actualisé en fonction de la dernière mouture du PAD Midi et doit donc être mis à jour en vue d’une nouvelle enquête publique.
Il faut aussi noter que certaines données statistiques retenues pour l’étude des incidences du RIE sont vieillissantes, voire obsolètes. Par exemple, les données quantifiant les besoins de bureaux datent de 2017 (p.14 du RIE). Les données démographiques datent de 2016. Globalement, ces données datent de la période précédent la pandémie de Covid-19 de laquelle découlera des changements parfois importants (voir 1.3).
Le RIE ne prend pas en compte la présence du Contrat de Quartier Durable (CQD) Midi, du Contrat de Rénovation Urbaine (CRU) 7 où de l’élaboration du Contrat Local de Mobilité (CLM) de Saint-Gilles et de la mise en oeuvre de la maille ParviS au niveau de la mobilité parmi les plans et programmes dans la zone.
1.3 Absence de prise en compte des impacts à long termes de la pandémie de Covid-19
Il n’est pas fait mention, ni dans les documents du PAD, ni dans le RIE de la pandémie de Covid-19 et de ses conséquences sur la démographie ou l’évolution des besoins d’équipements, de surfaces de bureaux, espaces verts, commerces ou logements. Or, même si la pandémie n’est pas encore terminée et que l’ampleur de certaines évolutions n’est pas connue, de nombreuses observations et réflexions parues dans divers articles et publications permettent de dégager des tendances et évolutions claires, en particulier sur la mise en application plus massive du télétravail ou la mise en lumière de besoins jusqu’ici sous-évalués (présence d’espace extérieur aux logements, tels que terrasses et jardins ou, pour y pallier, de parcs publics).
Concernant le télétravail, les effets sur le marché du bureau commencent à être bien étudiés et identifiés (voir, par exemple, le dernier Observatoire des bureaux n°39). Les conséquences sur les besoins en logement (typologie et localisation), sur les besoins en transports et sur le commerce et le secteur hôtelier sont aussi notables et doivent, dès lors, aussi être mieux étudiées et prises en compte.
Ces évolutions durables et structurelles conséquentes à la pandémie de Covid-19 doivent nécessairement être intégrées à l’élaboration du PAD Midi dans tous leurs aspects. On pourra sans doute globalement en déduire : un besoin diminué de bureau, de commerce et d’hôtel, une centralité urbaine moins nécessaire et désirée et un besoin d’espaces verts publics et privés accru. Or le PAD Midi présenté à l’enquête publique et son RIE ne mentionnent pas ces évolutions et enjeux et semblent dater d’une époque précédent la pandémie de Covid-19.
Cette réévaluation des besoins doit également prendre en considération la relativisation du « boum démographique » à l’oeuvre depuis 2016. En effet, le RIE repose sur des données démographiques obsolètes puisqu’elles datent de 2016 (Diagnostic, RIE, p.62) et tablaient sur une augmentation de la population bruxelloise de 6.000 habitants par an. Or, ces projections n’ont pas cessé d’être revues à la baisse. Du nombre de 10.000 nouveaux habitants par an annoncés en 2012, les projections sont ensuite passées à 5.000, puis à 3.600. Aujourd’hui, d’ici à 2070, l’Institut Bruxellois de Statistique et d’Analyse (IBSA) annonce un accroissement moyen de 1.900 personnes en moyenne par an, soit moins de 1.000 ménages (voir IBSA, Focus 43, Baromètre démographique 2020 de la Région de Bruxelles-Capitale). Ceci est de nature à relativiser les besoins en logements, le problème se posant plus en terme d’accessibilité financière qu’en terme de quantité de nouveaux logements à construire (voir 1.9).
1.4 Incohérences internes au plan
La hiérarchie des volumes décrite dans le volet stratégique (p. 56 et suivantes) n’est, dans les faits, pas respectée dans le plan. Les « marqueurs » ont des formes hétéroclites (tours et barres plus ou moins hautes et larges), ce qui empêche la cohérence d’ensemble. La multiplication d’immeubles hauts fait perdre en visibilité et banalise le « marqueur » actuel de l’entrée de la gare, la tour du Midi. Le repère se perd.
Les typologies de différents immeubles « marqueurs » hauts sont contradictoires et nuisent à leurs intentions formelles individuelles. Par exemple, le nouveau siège de la SNCB (îlot Tri Postal-Fonsny), se revendique d’un effet d’horizontalité, marquant le sens des voies de chemin de fer (cf. présentation SNCB et consortium, et site web visité le 26.10.2021 : « Ce bâtiment linéaire est caractérisé par une certaine « horizontalité ». Il symbolise les chemins de fer. »). Or, la perception de cette horizontalité/linéarité serait complètement perturbée par l’érection d’immeubles tours sur l’îlot Horta-Bara qui expriment une logique contraire de verticalité. La perception de cette barre qui se veut emblématique sera aussi complètement perturbée par les constructions hautes de formes diverses sur l’îlot France-Vétérinaires.
Le PAD Midi implique des projets de constructions provoquant des incidences négatives les unes envers les autres. Par exemple, la création de l’immeuble-barre pour le nouveau siège de la SNCB sur l’îlot Tri Postal-Fonsny créera une vaste façade plane le long des voies ferrées qui accentuera la réflexion et diffusion des bruits de trains vers l’Ouest, directement vers les immeubles hauts de logement qui sont prévus par le PAD sur l’îlot Horta-Bara (voir 1.7) ou vers l’îlot de logement France-Bara, ce qui aura pour effet d’en détériorer l’habitabilité.
1.5 Impact des gabarits sur le paysage et les vues
Les constructions de grandes hauteurs prévues par le PAD Midi (en particulier sur les îlots Tintin, Horta–Bara, France–Vétérinaires, Deux Gares, Tri Postal–Fonsny) impacteront fortement et négativement le paysage, les vues et l’ensoleillement.
Ces nouvelles barres et tours s’imposeront de manière chaotique dans le paysage vers la vallée de la Senne depuis de nombreuses vues et perspectives qui ne sont pas toujours étudiées dans le RIE. On pense en particulier à certains axes majeurs du paysage bruxellois comme l’avenue du Roi ou la longue perspective de la descente, depuis Ma Campagne, de la chaussée de Waterloo et de la rue Théodore Verhaegen, ou encore depuis le boulevard Lemmonier, avenue de Stalingrad, rue de Birmingham, avenue Jupiter… De nombreux axes plus mineurs mais constituant souvent des cheminements piétons importants verront aussi leurs perspectives bouchées : rue de l’Instruction, rue Dethy, rue de Bosnie, rue Eloy, rue du Croissant, rue de Fierlant…
Outre ces rues, les vues depuis certaines places ou parcs seront altérées : place Morichar, parcs de Forest et Duden, square Lainé, parc de la Porte de Hal.
Ces nouvelles constructions hautes auront aussi un impact très négatif sur les vues directement depuis les habitations des quartiers alentours (Cureghem, Saint-Gilles). Elles voleront de précieuses heures d’ensoleillement et boucheront les vues sur le ciel… qui est parfois le dernier espace de nature disponible à proximité pour les habitant·e·s de ces quartiers parmi les plus densément peuplés de Bruxelles.
D’une manière générale, en terme d’impact paysager, il n’est pas recommandé de construire en hauteur en fond de vallée. En effet, l’intérêt éventuel d’un bâtiment haut comme « signal urbain » est annulé par une implantation encaissée. Ces immeubles hauts en fond de vallée ne font que mettre des barrières aux vues d’un versant de la vallée vers celui d’en face, détériorant l’appréhension de la topographie de la ville. En coupant les vues jusqu’ici dégagées vers les espaces les plus lointains, ces immeubles hauts créés un effet d’enfermement des quartiers occupant les versants de la vallée.
Actuellement, certains immeubles plus hauts que la moyenne implantés en fond de vallée ont déjà un impact paysager négatif non négligeable. Par exemple, le bâtiment Philips à la rue des Deux Gares 80 bouche déjà en partie la vue vers Anderlecht et la Collégiale Saints-Pierre-et-Guidon dans la perspective de la rue Dethy. Aujourd’hui, le long axe chaussée de Waterloo/rue Théodore Verhaegen offre une vue vers l’Ouest de la vallée jusqu’au parc du Scheutbos. Qu’en restera-t-il si l’immeuble haut prévu par le PAD Midi en front de l’îlot France-Vétérinaires, en bordure avancée sur la rue des Vétérinaires, se construit ?
1.6 Mobilité
La densité de construction prévue amènera forcément un supplément de trafic automobile (voir notamment RIE p.1135), même dans une zone bien desservie par les transports publics. Même si on considère qu’une proportion importante des futurs travailleurs, travailleuses et habitant.es utiliseront ces transports publics, il ne faut pas perdre de vue le trafic automobile induit par les futures commerces, les livraisons, l’accès aux équipements, les services techniques divers… Or, ce quartier est déjà un des plus saturés de la Région par le trafic automobile et de camions qui y transitent du et vers le Ring. Le RIE analyse d’ailleurs que « Le périmètre est actuellement saturé par le trafic de transit et de destination. Même si des améliorations sont mises en place pour limiter les flux et la vitesse sur les grands axes du PAD, la volonté du PAD, traduite dans le volet stratégique, n’est pas de répondre aux problèmes de circulation dans le périmètre (…) La seule solution réside dans le mise en œuvre de dispositifs « verrous » du trafic routier à l’entrée de la Région bruxelloise » (RIE, p.1445). En l’absence de la mise en place volontariste d’une taxation kilométrique et/ou d’un péage urbain, la saturation va perdurer avec un accroissement de 10 % de la circulation et donc une détérioration de la situation présente déjà problématique.
Il y a une inadéquation entre la densification prévue et le gabarits des voiries alentours (voir 1.1). Le PAD prévoit d’ailleurs de réduire la largeur dévolue à l’automobile dans la rue Bara (voir coupes N, p. 45 et S, p. 47 du volet stratégique), sans pour autant augmenter significativement la desserte en transports publics.
Le noeud de transport publique (STIB, TEC, De Lijn) de la zone étant concentré autour de la rue Couverte, il faut constater une relativement mauvaise desserte par les transports en communs de la partie Sud du PAD Midi autour du tunnel Vétérinaires. Le PAD prévoit pourtant une forte densification de certains îlots (en particulier Deux Gares et France–Vétérinaires).
Le tunnel Vétérinaire est un des trois seuls points de passage Est-Ouest à travers le faisceaux de chemins de fer au Sud du Pentagone (petite ceinture, tunnel Vétérinaires et pont de Luttre). De ce fait, le tunnel Vétérinaires est déjà régulièrement encombré par le trafic automobile et de camions. Cette situation provoque déjà un trafic d’évitement de l’avenue Fonsny ou de la rue Bara vers les quartiers habités (rue de Mérode, rue d’Angleterre, rue Brogniez, boulevard de la Révision…). Y ajouter un trafic de destination, en particulier vers les îlots Deux Gares et France-Vétérinaires mal desservis en transports publics reviendra à saturer encore plus la circulation dans cette zone et y exacerber les nuisances (pollution de l’air, bruit…).
Le PAD prévoit aussi la fermeture à la circulation automobile du passage Est-Ouest secondaire entre la rue Bara et l’avenue Fonsny via la rue de l’Argonne et la rue Blérot. Si cette option permet effectivement une amélioration de l’espace public au sein du périmètre du PAD, elle aura pour corolaire de reporter d’autant plus la circulation automobile sur le pourtour du PAD, obligeant notamment les taxis – grands utilisateurs de cet itinéraire – à faire le tour par la petite ceinture et le tunnel Vétérinaires au risque de prendre un itinéraire d’évitement de l’avenue Fonsny via les rues de Mérode ou Féron et, de la rue Bara par la rue Brogniez et le bd de la Révision, ce qui aura des conséquences négatives pour ces quartiers densément habités.
On notera aussi que le périmètre d’observation territorial (POT) du RIE n’inclut pas la zone autour du bassin de Biestebroeck où, pourtant, sont développés ou en développement de nouveaux lotissements denses (4.000 nouveaux logements en construction ou annoncés) et peu (zone B) ou mal (zone C) desservis par les transports publics, mais situé sur l’axe routier principal menant vers la gare du Midi et la petite ceinture. Il serait nécessaire d’étudier dans le RIE l’incidence des ces développements immobiliers en terme de circulation routière sur la zone du PAD Midi et environs. Or, le plan directeur bus prévoit la création d’une nouvelle ligne de bus 68 reliant la gare du Midi au Zenpark mais ne prévoit pas une nouvelle ligne de tram pour ce territoire qui se densifie fortement.
Si la création d’une nouvelle demande en matière de déplacement en transport public ne devrait pas excéder 5 % de la capacité théorique des véhicules, il est très difficile d’estimer aujourd’hui quelle sera la demande réelle tant celle-ci sera déterminée par la typologie des équipements et des commerces à créer, qui ne sont pas connus au stade du PAD. Le RIE assure que l’augmentation de la demande de déplacements en transport public pourra être absorbée grâce à deux projets : l’automatisation des lignes de métro 1 et 5 et la création d’une nouvelle ligne de métro 3. Si ces deux projets font l’objet d’accords politiques, le calendrier de leur mise en oeuvre dépend de décisions budgétaires. L’automatisation des lignes de métro a déjà été repoussée dans le passé suite à un manque de budget. Quant à la création de la ligne de métro 3, elle devait initialement être inaugurée en 2021 et n’a cessé d’être repoussée pour une ouverture aujourd’hui prévue, au mieux, en 2032 (mais tous les permis ne sont pas encore obtenus et la complexité du chantier entraînera très probablement de nouveaux retards). Il n’y a donc aucune garantie que ces projets seront opérationnels au moment de l’accroissement de la demande de déplacements générée par le programme du PAD Midi.
Enfin, il faut noter que le déplacement des arrêts de bus STIB depuis la rue Couverte vers la place de la Constitution risque de rendre plus complexe la tenue du marché hebdomadaire du Midi. Ce déplacement provoquera aussi une dégradation du confort pour les usagers des transports publics. Actuellement, la présence des arrêts de bus STIB dans la rue Couverte permet aux voyageurs d’effectuer toutes les correspondances à l’abri des intempéries entre les bus STIB, les trams de surface, la gare SNCB et les transports en sous-sol (trams et métros de la STIB). Le déplacement des arrêts de bus STIB obligera les voyageurs à se déplacer à pied, parfois avec bagages, sur une plus longue distance et à ciel ouvert pour effectuer leurs correspondances entre les bus STIB et les autres moyens de transports publics. Par ailleurs, les nouveaux arrêts de bus sous auvents offriront une moins bonne protection contre le vent et les intempéries que les arrêts actuels sous la rue Couverte.
1.7 Nuisances acoustiques
Le RIE étudie essentiellement les incidences sonores dans le périmètre du PAD mais pas au delà. Or, la construction d’immeubles hauts peut avoir des incidences notables sur la réflexion et diffusion du bruit, en particulier ferroviaire, vers les quartiers habités alentours.
En particulier, la barre de constructions hautes le long des voies ferrées sur l’îlot France-Vétérinaire risque de créer des réflexions et diffusions des bruits de trains vers les habitations situées de l’autre côté des voies ferrées, vers Saint-Gilles (avenue Fonsny, rues de Danemark, Coenraet, de Mérode…).
D’une manière similaire, la barre haute à construire sur l’îlot Tri Postal-Fonsny (projet siège SNCB) risque d’augmenter la diffusion des bruits ferroviaires vers Anderlecht et les tours d’habitations prévues sur l’îlot Horta-Bara ainsi que vers les immeubles d’habitation de l’îlot France-Bara. On imagine mal comment la prescription générale PG.09 sur la qualité des logements pourrait être respectée partout.
1.8 Inadéquation avec les objectifs de réduction des déchets et d’émissions de gas à effet de serre
La réalisation du PAD Midi, du fait des modifications importantes des formes urbaines et gabarits existants qui y sont prévues, amènera de nombreuses opérations de démolitions-reconstructions lourdes et énergivores (création de déchets, charroi de camions…). En effet, le PAD prévoit la démolition de nombreux immeubles (295.000 m2) ayant parfois à peine 20 ans pour reconstruire plus dense (524.000 m2). Ce gaspillage de ressources est en totale contradiction avec toute ambition de réduction de l’emprunte écologique et d’impact sur le climat (voir notamment le Plan Air-Climat-Energie).
Le RIE ne comprend pas d’analyse du bilan carbone des opérations de démolitions-reconstructions qui sont prévisibles dans ce PAD. Ceci devrait être corrigé pour permettre une évaluation chiffrée de l’emprunte carbone du scénario retenu par rapport à un « scénario 0 » et, dès lors, de pouvoir juger de la pertinence des choix du PAD Midi avec toutes les données nécessaires. Rappelons à cette égard que, même s’il y a un manque de transposition dans la législation belge et bruxelloise, la législation européenne (Directive 2011/92/EU) exige d’étudier toutes les incidences, dont celles sur le climat, des grands projets immobiliers. Il y a donc une exigence légale qui s’applique à cette analyse.
1.9 Absence de logement social
Alors que le PAD Midi envisage la création de 2.000 logements, il ne prévoit pas explicitement de logement social dans ses dispositions. Or, la sociologie des quartiers alentours, la forte demande non rencontrée en logement social en Région de Bruxelles-Capitale (liste d’attente de l’ordre de 49.000 ménages), de même que la structure sociale de l’accroissement de la population de ces dernières années en Région bruxelloise démontre que les besoins en logements seraient mieux rencontrés par la création de logements sociaux. En laissant libre et sans encadrement la création de logements essentiellement privés dans son périmètre, ce PAD ne permettra pas la création du moindre logement social. Le report de la création du logement social sur les charges d’urbanisme à venir n’est pas suffisant dès lors qu’il n’y a pas de garanties qu’elles soient affectées à la construction de ce type de logement. Cette inquiétude est d’autant plus avérée que l’arrêté sur les charges d’urbanisme exonère le promoteur de devoir payer cette charge à la Région lorsque les logements nouvellement construits sont issus d’une reconversion de bureaux, ce qui sera le cas dans la majorité des projets de logements prévus. Il y a donc une inadéquation flagrante entre les besoins en logements identifiés à Bruxelles et les prescriptions logement du PAD Midi.
Notons que le PAD Heyvaert contient bien une clause relative au logement social qui impose la construction jusqu’à une proportion de 25 % de ce type de logement dans les projets de plus de 2.000 m2. Cette disposition a été validée par le Conseil d’Etat. Il n’y a donc pas de frein législatif à l’introduction d’une telle prescription dans le PAD Midi.
1.10 Manque d’espaces verts
Le parc prévu le long de la Senne est d’une très petite superficie, ne faisant que 2,4 ha (à titre de comparaison, le petit parc de la Porte de Hal fait 3,1 ha). Il est peu accessible (entrée via le carrefour rue des Vétérinaires/rue des Deux Gares) et d’une forme allongée qui en restreint fortement les usages (seule une promenade est possible). Par ailleurs, cet espace vert étant bordé par la Senne à ciel ouvert et les voies de chemin de fer, les contraintes de sécurité seront importantes (impossibilité de prévoir des jeux d’enfants, fermeture en soirée ou par mauvais temps…). Il est d’ailleurs à craindre que ce parc ne puisse tout simplement pas conserver un usage réellement public à long terme.
Le reste des réaménagements de l’espace public prévu ne comprend que des espaces verts restreints ou marginaux (plantation d’arbres, espaces intersticiels entre les nouveaux immeubles de l’îlot des Deux Gares ou France-Bara). Or, si sur certains espaces publics comme la place Horta, les contraintes du sous-sol empêchent des plantations profondes en pleine terre, ce n’est pas la cas partout : certains îlots (en particulier Tintin, Russie-Mérode, France-Bara et Deux Gares) possèdent le potentiel d’y créer des parcs mieux configurés, plus accessibles, voire parfois d’une plus grande ampleur en cas de démolition totale des immeubles présents.
La création de parcs à la place de terrains vagues (îlot Tintin) ou d’immeubles de bureau obsolètes (France-Bara, Deux Gares, voire Russie-Mérode) serait tout à fait pertinente dans ce périmètre situé au cœur de quartiers parmi les plus densément peuplés de la ville et en déficit d’espaces verts.
1.11 Gestion de l’eau
Le PAD Midi se situe en fond de la vallée de la Senne dans une zone soumise à de potentielles inondations (voir Carte d’aléa d’indondation de Bruxelles Environnement). Or, le périmètre du PAD Midi est aujourd’hui imperméabilisé à 95 %, ce qui augmente cet aléa. Pourtant, le PAD ne prévoit pas de réduire significativement cet imperméabilisation du sol (toujours de 90 % dans le scénario « préférentiel »). De plus, la création d’immeubles massifs et hauts oblige à la création de fondations profondes et, potentiellement, de nouveaux espaces de parking en sous-sol. Ces structures souterraines risquent d’avoir une incidence négative sur l’écoulement naturel des eaux souterraines ou de leur absorption, augmentant d’autant plus l’aléa d’inondation dans les quartiers environnants (bas de Saint-Gilles et Cureghem).
1.12 Destruction du patrimoine
Seuls deux bâtiments à caractère historique sont indiqués comme étant « construction à préserver » sur le plan d’implantation et des gabarits du volet réglementaire : l’ancien entrepôt à la rue des Deux Gares 6 et les bâtiments aux 47 à 49 de l’avenue Fonsny (îlot Tri Postal-Fonsny) – encore qu’il ne soit pas clair sur le plan si c’est bien l’ensemble de ces bâtiments de l’avenue Fonsny qui relève de cette prescription, ce qui devrait être le cas. Notons aussi que la prescription « construction à préserver » présente sur le plan n’est pas définie, ce qui peut entraîner des interprétations très restrictives. Qu’est-ce qui est exactement « à préserver » ? L’ensemble du bâtiment ? Juste sa façade ? Y-a-t-il un arbitrage à réaliser par la Commission Royale des Monuments et Sites (CRMS) ? Il faut donc mieux définir cette prescription et, si il ne s’agit pas d’une préservation intégrale, de prévoir que l’avis de la CRMS pour toute demande de modification soit requis.
Par ailleurs, les prescriptions de gabarits et implantations du PAD autorisent à dégrader fortement les caractéristiques patrimoniales de ces « constructions à préserver ». L’ensemble de l’ancien Tri Postal et immeubles de la SNCB àl’avenue Fonsny 47-48-49 pourrait voir ses hauteurs fortement augmentées (jusqu’à 90 m), sans même que ne soit prévu un recul depuis l’avenue Fonsny. Une telle intervention en détruirait la perception et écraserait ces bâtiments historiques d’une surélévation disproportionnée. L’actuelle cohérence historique et esthétique due à la palette de matériaux (briques jaunes, pierre bleue…) et à l’articulation des hauteurs de construction pourrait être fortement détériorée par une telle surélévation.
Quant à l’entrepôt de la rue des Deux Gares, la création de la promenade le long de la Senne oblige à l’ouvrir d’une manière peu définie pour permettre le passage public vers la promenade. Il est indiqué comme « à préserver » dans le volet réglementaire du PAD mais y est néanmoins situé en prescription « espace ouvert ». D’ailleurs, la prescription de la zone (11F) indique que cette préservation ne peut concerner que « sa structure ». Cette ouverture peut donc entraîner des transformations importantes qui, dans les faits, risquent d’en altérer fortement l’intérêt patrimoniale.
Plusieurs bâtiments emblématiques du patrimoine dans le périmètre du PAD Midi et repris à l’Inventaire du patrimoine immobilier de la Région ne sont pas repris comme « à maintenir » et sont parfois tout simplement voués à la démolition vu la perspective de transformations importantes et d’augmentation des gabarits contenus dans le PAD.
Parmi les bâtiments à caractère patrimoniale les plus en danger, on notera :
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l’ensemble de logements (années 1960) à la rue de France 42-50 (voué à la démolition, îlot France-Vétérinaires) ;
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le bâtiment industriel à la rue Charles Parenté 30-38 (voué à la démolition, îlot France-Bara) ;
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le bâtiment double (Art Déco) à la rue Charles Parenté 14-16 (îlot France-Bara) ;
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l’immeuble de logements (Art Déco/Moderniste) à la rue Charles Parenté 18 (îlot France-Bara) ;
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l’ancien bâtiment de la Manufacture Belge de Lampes Électriques (MBLE), à la rue des Deux Gares 82 (îlot Deux Gares) ;
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la maison mitoyenne à la rue Bara 148 (îlot France-Bara).
On regrettera aussi que la tour du Midi ne soit inscrite que comme « construction emblématique » et pas comme « construction à préserver ». Bien que le PAD Midi en conserve l’implantation et les gabarits, il n’est pas dit qu’une opération de démolition-reconstruction ne soit pas envisagée dans le futur. Or, si la tour du Midi s’inscrit bien dans une période historique brutale et regrettable de l’urbanisation de Bruxelles, son intérêt premier réside dans sa technique de construction révolutionnaire et unique. En cas de démolition-reconstruction, c’est cet aspect primordial de l’intérêt historique de cette tour qui serait perdu.
1.13 Dépendance à des passages publics sur terrains privés
Pour l’aménagement des circulations piétonnes et cyclistes, le PAD Midi s’appuie fortement sur la création de passages publics sur terrains privés. C’est le cas à travers les îlots Deux Gares, France-Bara, Horta-Bara et Tintin, et aussi vers la rue Couverte depuis la gare du Midi qui serait rendue plus « poreuse » (volet stratégique, p. 36).
Malheureusement, l’expérience passée montre que l’on ne peut pas avoir une complète confiance dans la pratique historique des propriétaires présents quant à la pérennisation de ce type de passages. Rappelons par exemple que, lors de sa dernière rénovation dans les années 1990, la gare du Midi possédait plusieurs passages et des vitrines ouvertes vers la rue Couverte. Quelques années plus tard, il ne subsiste qu’un seul passage et la plupart des vitrines ont été obstruées. De même, un passage public est déjà normalement prévu au milieu de l’îlot Horta-Bara dans le prolongement de la rue Rossini. Or, ce passage a été bloqué très peu de temps après la construction du bâtiment qui occupe cet îlot.
Il n’y a pas qu’autour de la gare du Midi que ce type de passage montre son dysfonctionnement. Prenons l’exemple, à Molenbeek, du passage supposé faire la liaison entre la rue Le Lorrain et l’avenue du Port à travers l’îlot occupé par un complexe de bureau. Ce passage est presque systématiquement clos.
Que ce soit pour des raisons de sécurités, de facilité de gestion, de nuisances perçues ou attendues, les gestionnaires privés de ce type de passage en arrivent souvent à les clore de manière plus ou moins définitive.
1.14 Absence de la gare du Midi dans le volet réglementaire
Bien que la gare du Midi soit au centre (géographique, symbolique et fonctionnel) de ce PAD et y occupe un espace considérable, il n’y a pas de prescription particulière pour cet îlot à part l’insertion d’un « liseré d’activation des rez de chaussée » (volet réglementaire, p.19). Si les affectations du Plan Régional d’Affectation du Sol (PRAS) n’ont peut-être pas lieu d’y être modifiées, l’absence de prescription concernant les gabarits est plus inquiétante, en particulier pour la zone de bureau à front de la place Horta (îlot Gare-Horta). On peut imaginer que la construction d’immeubles hauts au voisinage direct de cette zone (îlot France-Vétérinaires), n’y amène une demande de surhausse, sur simple base du Règlement Régional d’Urbanisme (RRU), écrasant encore plus l’espace public de la place Horta. Il y a donc lieu d’y fixer les gabarits actuellement présents et d’y exclure toute surhausse. De même, il faut limiter en hauteur ou interdire toute future construction au dessus des quais et/ou voies de chemin de fer.
L’absence de prescription particulière sur les cheminements piétons et les ouvertures permettant de traverser la gare laisse la possibilité au gestionnaire, dans un futur indéfini, d’y fermer des accès et de refermer la gare sur elle-même en limitant la possibilité de la traverser (pour de simples raisons d’économie de coût de gardiennage par exemple) (voir 1.13). À cet égard, la présence d’un « liseré d’activation des rez de chaussée » ne présente pas une garantie suffisante (prescription sans obligation de création ou maintien d’ouvertures).
1.15 Insuffisance d’équipements scolaires
Le projet de PAD permet la création de 2.000 logements mais ne garantit qu’un seul équipement scolaire. Pourtant, le quartier Midi (mais aussi ses voisins : Biestebroeck, Cureghem) sont déjà en déficit d’équipements de la petite enfance et d’écoles secondaires.
Selon les chiffres de l’IBSA de 2016, la capacité d’accueil dans l’enseignement maternel et primaire était alors respectivement de 80 % (soit 8 places en maternel pour 10 enfants) et 73 % (soit 7,3 places en primaire pour 10 enfants), ce qui correspond à un déficit de 908 places en maternelle et de 2.129 places en primaire. L’offre développée dans le cadre de ce projet de PAD s’avérera donc insuffisante pour répondre à ce déficit, aggravé par celui existant à 1 km de là, au bassin de Biestebroeck, destiné à accueillir 4.000 nouveaux ménages.
2. Analyse spécifique des îlots les plus problématiques
Dans cette partie, nous analysons plus en profondeur les incidences du PAD Midi sur les îlots les plus problématiques du fait des prescriptions qui les concernent. Dans la cas où le PAD Midi serait fortement revu ou si d’autres outils de planification devaient s’attacher à définir les évolutions de ces îlots, nous indiquons, à la fin de chaque point, quelles évolutions nous semblent pertinentes pour chaque îlot compte tenu des problèmes soulevés.
Les noms des îlots sont ceux utilisés dans les différents volets du PAD Midi.
2.1 Deux Gares
L’îlot Deux Gares est très enclavé car uniquement accessible via les très embouteillées rues des Vétérinaires et des Deux Gares. Ces deux rues, avec le tunnel Vétérinaires, constituent des obstacles importants aux cheminements piétons depuis la gare du Midi et les quartiers environnants. L’îlot est aussi très éloigné du « croissant de mobilité » de la rue Couverte où se concentrent les transports publics. De ce fait, tout développement de cet îlot aura tendance à induire une part de trafic motorisé non négligeable pour y accéder. Ce trafic accru sera particulièrement problématique sur les rues Vétérinaires et des Deux Gares qui le bordent et qui sont déjà saturées par le trafic de transit. Cette situation de mobilité difficile, outre les inconvénients pour les occupants de cet îlot, engendrera probablement un surcroît de nuisance du trafic vers les quartiers voisins (voir 1.6).
Le PAD prévoit l’érection de plusieurs immeubles hauts sur l’îlot. Ces immeubles implantés en fond de vallée auront un impact très négatif sur le paysage (voir 1.5), depuis plusieurs rues, en particulier, à Forest, les rues descendantes vers la Senne parallèles à l’av. du Roi (rues Berthelot, de Fierlant, du Croissant…) ou depuis les parcs de Forest et Duden. Il en sera de même depuis les rues Dethy et de Bosnie à Saint-Gilles. L’impact visuel sera aussi très fort depuis les habitations des quartiers voisins (avenue Van Volxem…) ou depuis le site classé de l’ancienne Ecole Vétérinaire. On peut déjà juger de l’impact négatif sur le paysage du bâtiment Philips à la rue des Deux Gares 80.
Malgré son intérêt patrimonial, l’ancien immeuble MBLE (rue des Deux Gares 82) n’est pas repris comme « à préserver » dans le plan d’implantation du volet réglementaire. L’entrepôt du 6, rue des Deux Gares est indiqué comme « à préserver » mais est implanté en « espace ouvert » dans l’entrée de la promenade le long de la Senne. Dans les deux cas, le patrimoine est mis en danger (voir 1.12).
L’îlot ne permet pas un accès pérenne et aisé au futur parc-promenade en bord de Senne (voir 1.13), parc qui, par ailleurs, ne possède pas une surface et forme adéquate pour être réellement utilisable (voir 1.10). On relève aussi un aléa d’inondation significatif au voisinage de la Senne (voir 1.11).
Pour ces raisons, nous considérons que cet îlot devrait n’être que marginalement densifié, en privilégiant les entreprises, historiquement présentes, plutôt que du logement. La fonction logement risque aussi de subir fortement les nuisances du chemin de fer voisin et, de plus, d’entrer en conflit avec l’activité des entreprises de l’îlot. Il serait par ailleurs nécessaire de déminéraliser les surfaces au sol (parkings) pour permettre d’agrandir la zone de parc et dégager la zone inondable la long de la Senne.
Il conviendrait de réduire significativement la hauteur de l’immeuble Philips au 80, rue des Deux Gares dont l’impact visuel est très négatif. En ce sens, il faut éviter de construire en hauteur dans cet îlot et viser une intégration des hauteurs avec les constructions existantes de l’autre côté de la rue des Deux Gares (de l’ordre de rez + 3 étages). Par contre, il faut prévoir spécifiquement le maintien (sans surhausse) de l’ancien bâtiment MBLE pour son intérêt comme patrimoine.
2.2 France-Vétérinaires
Cet îlot est voué à une transformation radicale impliquant la démolition-reconstruction de l’ensemble de son bâti et l’érection de bâtiments essentiellement administratifs de grandes hauteurs.
Ces transformations impliqueront la destruction de l’ensemble de logements à caractère patrimonial – ensemble de logements emblématique des années 1960 – à la rue de France 42-50 (voir 1.12). Elles impliquent aussi la démolition de l’actuel immeuble de la SNCB à front de la rue des Vétérinaires alors que cet immeuble à moins de 30 ans, ce qui constitue un gaspillage de ressources inacceptable dans le contexte de la nécessité d’une réduction de la production de gaz à effet de serre (voir 1.8).
Mais, surtout, les nouvelles constructions prévues auront un impact considérable sur les vues et le paysage (voir 1.5). En particulier, ces constructions boucheront les vues vers les coucher ou lever de soleil depuis de nombreux logements du quartier du Midi à St-Gilles (rues de Mérode, Féron, de Danemark, Coenraets, Claes, Théodore Verhaegen, avenue Fonsny, chaussée de Forest…) ou de Cureghem (rue Bara, boulevard de la Révision, clos Mudra…) et se situeront dans l’axe de plusieurs rues à St-Gilles (avenue du Roi, perspective chaussée de Waterloo-rue Théodore Verhaegen, rues de Danemark, Coenraets, Joseph Claes…), Anderlecht (rue des Deux Gares) ou Forest (rues du Croissant et du Canada, avenue du Roi), obstruant les vues entre les deux versants de la vallée de la Senne (voir 1.5).
La taille des immeubles prévus le long des voies ferrées est telle qu’ils risquent de plonger dans l’ombre et de mettre à mal l’habitabilité des logements prévus, dans ce même îlot, le long de la rue de France ou dans l’îlot France-Bara voisin, en contradiction avec la prescription générale PG.09 du PAD (habitabilité des logements).
Leur implantation directement le long des rails et leurs tailles risquent de faire de ces futures immeubles des réflecteurs et diffuseurs des bruits de trains vers les rues habitées du côté St-Gillois de la gare (avenue Fonsny, rue de Mérode et perpendiculaires) (voir 1.7).
Les formes architecturales mi-barre/mi-tour découlant des prescriptions du PAD Midi pour cet îlot entrent en conflit avec les intentions architecturales développées ailleurs dans le PAD, en particulier avec la lecture de la barre horizontale de l’îlot Tri Postal-Fonsny, mais aussi avec le verticalité de l’îlot Horta-Bara. Il résulterait de sa mise en oeuvre un paysage urbain particulièrement chaotique (voir 1.4).
Enfin, il faut noter que cette îlot est globalement assez mal desservi par les transports en commun, étant à une distance de marche relativement grande du noeud de transports publics autour de la rue Couverte. Il en résultera probablement un plus grand attrait pour l’usage de l’automobile par ses utilisateurs, ce qui, combiné à une densité de construction et d’usagers largement accrue, ne fera qu’aggraver la circulation routière déjà saturée des voiries alentours (voir 1.6).
D’une manière générale, vu les fortes incidences négatives sur l’environnement décrites ci-dessus, on peut considérer que les prescriptions du PAD Midi pour cet îlot sont parmi les plus problématiques et inadaptées de l’ensemble du plan. Elles doivent donc être largement revues. Tout d’abord, il faut y limiter les gabarits à rez + 5 étages, là où ces hauteurs existent déjà, c’est-à-dire pour l’immeuble à la rue de France 56, face à la rue des Vétérinaires (et éviter la démolition de cet immeuble récent) et à rez + 4 pour le reste de l’îlot afin d’y maîtriser les densités et éviter les nombreuses nuisances décrites ci-dessus (acoustiques, visuelles…). Pour des raisons patrimoniales et de mixité fonctionnelle, les immeubles à la rue de France 42-50 doivent être préservés.
2.3 Horta-Bara
L’immeuble qui occupe actuellement cet îlot constitue une erreur urbanistique flagrante. Il est monofonctionnel (bureau), trop massif et écrase son voisinage vers la rue Bara et Cureghem. Il bouche la vue vers la gare du Midi depuis la place du Conseil et la rue Rossini. Du fait du non respect de la servitude de passage qui le traverse dans le prolongement de la rue Rossini, il constitue effectivement un obstacle aux piétons et cyclistes qui voudraient se rendre à la gare du Midi depuis cette direction.
Le PAD Midi tente de parer à ces défauts mais la solution proposée de remodelage radical de l’îlot risque d’être pire que le mal. Cette solution permet essentiellement d’ouvrir l’îlot pour recréer un passage entre la rue Rossini et la gare du Midi et d’y introduire du logement. Cependant, cela se fait via la démolition complète du bâtiment existant et la création de quatre tours qui auront un impact visuel encore plus écrasant sur le quartier voisin de Cureghem (rues Bara, Brogniez, Rossini, Eloy, Auguste Gevaert…) (voir point 1.5) qui semble être traité ici avec un réel mépris. Il faut ajouter que la création de tours à cet endroit entrerait en conflit avec le parti-pris architectural du nouveau siège de la SNCB sur l’îlot Tri Postal-Fonsny (voir 1.4).
La configuration des nouvelles constructions prévues par le PAD implique la démolition complète de l’immeuble occupant actuellement l’îlot. Or, cet immeuble étant très récent (construction en 2004), sa démolition-reconstruction aurait un bilan carbone extrêmement négatif, en complète contradiction avec toute politique de réduction d’émission des gaz à effet de serre (voir 1.8)
Le PAD Midi prévoit la réintroduction de logement dans l’îlot, ce qui est positif. Toutefois, il le conçoit sous forme de tours. Or, la typologie de logements en tour, ne permet que la création d’espaces extérieurs très restreints ce qui semble contraire aux aspirations actuelles des habitants, en considérant l’impact de la période de la pandémie de Covid-19 (voir 1.3). De plus, les logements en tour engendrant des coûts de construction, puis, de maintenance et de fonctionnement élevés, ils ne peuvent répondre aux besoins de logements abordables et sociaux correspondant aux besoins de la population bruxelloise (voir 1.9).
Par ailleurs, vu l’exposition de ces logements aux bruits de chemin de fer, aggravés par la création du nouveau siège de la SNCB (voir ci-dessus et 1.4), il est difficile d’imaginer que ces logements, au delà d’une certaine hauteur, puissent répondre à la prescription générale PG.09 sur la qualité des logements (exposition aux bruits, voir 1.7).
Afin de remédier aux défauts de l’urbanisation de cet îlot décrits plus haut, il est nécessaire d’œuvrer à une opération de dé-densification de celui-ci dans le but de permettre une meilleure connexion entre la gare du Midi et Cureghem et de limiter son effet d’écrasement du voisinage dû à ses gabarits trop élevés. Pour ce faire, il nous semblerait judicieux de démolir la travée centrale du bâtiment, dans l’axe de la rue Rossini et en conserver les deux îlots latéraux. La hauteur des constructions sur la rue Bara devrait être revue à la baisse à des rez + 4 pour se raccorder au mieux aux gabarits du quartier. Il faudrait étudier la possibilité de reconversion d’une partie de ces immeubles en logements, probablement en réduisant les profondeurs des constructions (démolitions partielles), ce qui permettrait de mieux laisser pénétrer la lumière et d’agrandir les espaces de calme en intérieur d’îlot.
2.4 Tintin
La création d’une nouvelle tour de 150 m sur cet îlot de petite taille apportera de nombreuses nuisances : ombres portées, altération des vues et perspectives, sensation d’écrasement de l’espace public et des logements voisins, densification des usages induisant un afflux de trafic… Elle aurait aussi un impact très négatif sur la visibilité et perception de l’enseigne classée « Tintin et Milou », à front de la place Bara. De plus, d’un point de vue urbanistique, cette tour n’apporterait aucune plus-value, créant un simple doublon de la tour du Midi si l’on considère que cette dernière à un intérêt comme signe urbain d’entrée de la gare du Midi.
La création d’une telle concentration de surfaces de bureaux ne semble pas non plus en phase avec les besoins de bureaux en déclin depuis la crise de la Covid-19 et l’adoption structurelle du télétravail qui s’ensuit (voir 1.3).
On notera que le passage public à créer à travers cet îlot semble particulièrement mal conçu : écrasé entre les nouvelles constructions, ombragé et probablement générateur de nuisances pour les logements prévus à son voisinage direct. Il risque dès lors d’avoir un usage restreint par des fermetures à certains moments (soirée…), voire définitivement (voir 1.13)
À l’analyse, il nous semble que ce terrain vide serait un emplacement idéal pour créer un nouveau parc. Il faudrait refermer l’îlot par de nouveaux immeubles de logements qui créerait ainsi un nouveau front bâti entre la rue Bara, à la hauteur de son n° 15, et l’avenue Paul-Henri Spaak, en y complétant le mitoyen existant aveugle par un immeuble d’angle. Cette nouvelle construction s’alignerait en hauteur sur les gabarits des bâtiments voisins. La création d’un parc sur cette moitié d’îlot permettrait une amélioration notable de l’espace public au bénéfice des habitants et usagers de la gare du Midi. Il permettrait l’usage d’un lieu plus calme en lien directe avec la place Horta (plus minérale et occupée par l’Horeca), face à la sortie de la gare et à proximité de l’avenue Paul-Henri Spaak dont l’espace est dévoué à la station des bus De Lijn. Ce parc permettrait une meilleure connexion entre le quartier voisin et la gare. Il constituerait aussi une des rares surfaces perméables dans le périmètre.
À défaut de la création d’un parc, cet îlot devrait se voir fermé par des constructions (de préférence logements abordables) s’alignant sur les bâtiments existants le long de l’avenue Paul-Henri Spaak et à une hauteur de rez + 4 rue Bara pour faire le lien avec le quartier voisin.
2.5 Jamar
Le nouvel immeuble prévu sur la trémie du tram, par ses gabarits trop élevés, aura un impact très négatif sur les immeubles d’habitations existants le long du côté paire du boulevard Jamar (îlot Jamar-Argonne) dont il obstruera complètement l’éclairement naturel et les vues aujourd’hui dégagées vers le boulevard. L’îlot Jamar-Argonne est déjà victime de l’ombre de la tour du Midi voisine et ne dispose que d’un intérieur d’îlot réduit et peu qualitatif. Il faut donc en préserver l’habitabilité en ne l’enserrant pas d’un immeuble haut supplémentaire. Il faudrait y replanter les arbres sur le trottoir, entre la rue et la trémie, pour lui redonner l’agrément qu’il a perdu suite à leur abattage il y a un an environ.
Ajoutons que, selon le RNT, « L’implantation de surfaces de logement sur le nouvel îlot Jamar ne semble pas utile au regard des contraintes de bruit, de vibration et de l’impossibilité d’y implanter un parking privé souterrain » (p.80).
On notera par ailleurs que la création d’un équipement en front de l’îlot Jamar, face à l’avenue de Stalingrad, ne correspond à aucun projet ou besoin identifié en lien avec les besoins des habitants du quartier. Significativement, l’appel à manifestation d’intérêt lancé récemment par Citydev semble l’inscrire préférentiellement dans une logique culturelle et de vouloir en faire un immeuble-vitrine à portée métropolitaine.
S’il devait y avoir une construction sur cet îlot, elle devrait être revu largement à la baisse pour ne pas dépasser en hauteur les immeubles qui lui font face aux numéros paires du boulevard Jamar et avec assez de recul pour permettre d’y replanter des arbres et crée un espace de dégagement agréable. L’immeuble étant sur terrain public, son affectation devrait répondre à la demande sociale de logements. Quant à l’équipement prévu, il pourrait être plus modeste et doit prioritairement répondre aux besoins largement identifiés des habitants des quartiers voisins.
2.6 Tri Postal–Fonsny
Cet îlot comprend le projet du nouveau siège de la SNCB en surhausse des bâtiments historiques existants le long de l’avenue Fonsny. L’ensemble des bâtiments historiques du Tri Postal et de la SNCB se développent avec une belle cohérence architecturale et une articulation soignée le long de l’avenue Fonsny et constituent un patrimoine à préserver et rénover. Toutefois, actuellement déjà, ces bâtiments forment une barrière visuelle et sont d’une taille (30 m) qui s’impose de manière forte à leur environnement immédiat. La surhausse prévue par la SNCB (60 m) et plus qu’entérinée dans le projet de PAD Midi (90 m) ne fera qu’accentuer cet effet d’écrasement et de rupture visuelle. Cette surhausse aura le défaut d’être visible de plus loin et de boucher d’autant plus la perspective des rues du quartier (rues de Hollande, de Suède…) et d’être bien visible depuis les habitations aux étages de plusieurs rues (rues Féron, de Mérode…) (voir 1.5).
Bien que les axonométries du PAD et les images dévoilées par la SNCB montre l’extension en hauteur en léger retrait de l’avenue Fonsny, le plan d’implantation et des gabarits du volet réglementaire prévoit des gabarits jusqu’à 90 m à front de l’avenue Fonsny. Il est clair que, si de tels gabarits devaient être construits, l’impact visuel serait encore plus désastreux. Alors que le projet de la SNCB est déjà particulièrement critiquable pas sa surélévation jusqu’à 60 m de haut, il paraît complètement incompréhensible et inacceptable que la PAD autorise une hauteur de construction allant jusqu’à 90 m.
La densification d’usage de cet îlot, même si il est proche des principaux arrêts de transports publics (gare, métro, tram…), amènera un supplément de trafic automobile vers ces bâtiments. Il s’agit de certains travailleurs et travailleuses mais surtout des nombreux véhicules de service (livraisons, entretiens, évacuation des déchets…) qui s’ajouteront au trafic déjà saturé de l’avenue Fonsny. Ne perdons pas de vue que, aujourd’hui, cet ensemble de bâtiment est au ¾ vide et que le trafic présent sur l’avenue Fonsny est déjà trop dense. Le fait de simplement ré-occuper les surfaces existantes, sans surhausse, amènerait déjà un surcroît de trafic non négligeable. La capacité des voiries environnantes (voir 1.6) et la densité déjà existante ne permettent pas d’envisager raisonnablement une densification accrue de cet îlot.
On notera aussi le fait qu’une surhausse des bâtiments pourrait amener une détérioration de l’environnement acoustique pour les bâtiments de l’autre côté de la gare (voir 1.7).
La création d’une grande barre vitrée d’une telle ampleur (250 m x 90 m pour 86.500m2 selon le volet réglementaire) risque d’avoir un effet négatif important sur la faune, en particulier des oiseaux, qui risquent d’être nombreux à s’y heurter.
2.7 Russie-Mérode
Bien qu’il date d’une époque récente, l’immeuble Atrium qui occupe l’entièreté de cet îlot constitue clairement un erreur du passé. Cet immeuble est trop haut, fermé sur l’extérieur et ne présente que des sorties de parking et de quais de livraisons sur la rue de Russie, ce qui, outre une esthétique dégradée, y induit des nuisances de circulation qui se diffusent dans le quartier densément habité voisin.
Si nous ne préconisons généralement pas la démolition d’immeubles récents, cet îlot nous paraît néanmoins un emplacement intéressant pour la création d’un parc de quartier. En effet, ce quartier est en déficit avéré d’espaces publiques et de parcs (voir diagnostic du CQD Midi) et celui-ci pourrait pallier en partie à ce manque.
À défaut d’un parc occupant l’ensemble de l’îlot, on pourrait y envisager de recycler une partie du bâtiment existant en logements mais en réduisant les hauteurs rue de Russie pour se conformer à celles du côté impaire de la rue de (rez + 3) et en y excluant les entrée et sorties de parking qui, le cas échéant, ne doivent se positionner que vers l’avenue de la Porte de Hal.
Conclusion
Pour les raisons invoquées ci-dessus, nous demandons à ce que le PAD Midi soit abandonné.
Nous soutenons la mise en oeuvre du CRU 7 en vue d’améliorer l’espace public existant et appelons à une révision partielle du PRAS ou à l’adoption d’un Plan Particulier d’Affectation du Sol (PPAS) pour permettre une modification de la zone de chemin de fer des « quadrilatère » en vue d’y permettre une plus large possibilité d’affectation. Nous appelons aussi, si révision du PRAS ou adoption d’un PPAS a lieu, à la création d’un espace vert de taille suffisante afin de combler – au moins partiellement – le déficit en la matière des quartiers environnants.
Vu la configuration très contrainte (coupure Est-Ouest, largeur réduite) des voiries des quartiers autour de la gare du Midi et le trafic motorisé déjà important qui y circule actuellement, ainsi que la nécessité de préserver les vues et le paysage urbain de la vallée, nous nous opposons à toute densification et augmentation des gabarits. Nous plaidons plutôt pour la réduction des gabarits existants sur certains îlots : Deux Gares, Horta-Bara et Russie-Mérode. Au vu du déficit d’espace vert dans cette partie de la ville, nous soutenons la transformation de certains îlots ou parties d’îlots en espaces verts publiques. Nous souhaitons également qu’au moins 25 % des nouveaux logements construits dans le quartier soient des logements sociaux pour rééquilibrer le déficit actuel (4 % de logements sociaux) et que des équipements scolaires soient prévus au prorata de ces nouveaux logements.
En tout état de cause, si l’élaboration d’un PAD est maintenue sur ce périmètre, outre une révision en profondeur prenant en compte les remarques formulées ci-dessus, il sera nécessaire de réaliser une nouvelle étude d’incidence avec des données et une analyse du contexte actualisées et un périmètre d’étude plus étendu.